L'Europe a du mal à élaborer une Constitution, tant elle est inquiète de savoir et de pouvoir dire exactement ce qu'elle fait ou ce qui se fait par elle, pour elle et pour le monde. Car l'Europe est très consciente que ce qu'elle devient depuis soixante ans pèse de façon décisive sur le destin de l'Humanité, dont sa civilisation a profilé l'avenir.
Si elle hésite à définir ses fondements, quelque solides qu'elle les sache, c'est qu'ils sont, en deçà comme au-delà des options partisanes, d'une diversité qui rend très complexe toute tentative de conciliation et inacceptable toute forme de simple unification. Les situations politique, économique, sociale, juridique, religieuse, culturelle et linguistique des différentes régions, communautés et nations, et la multiplicité des Etats européens obligent l'intelligence à situer l'union européenne dans la profondeur de la culture, c'est-à-dire des valeurs de civilisation, qui demeurent, au-delà des vicissitudes de l'Histoire, les références à partir desquelles sont acceptées les définitions de l'homme, du monde et de Dieu, et la sphère de légitimité de leurs possibles relations.
Parcourant les trois mille ans de l'histoire dont l'Europe est l'héritière, l'Anthologie du Patrimoine littéraire européen s'est employée à rassembler plus de 1400 auteurs et quelques 5300 textes qui ont significativement contribué à la progressive synthèse de la culture européenne et paraissent, aujourd'hui, suffisamment représentatifs de sa progression.
Interprétation synthétique du contenu des 17 volumes de la collection, réalisée par le maître d'oeuvre de l'ensemble, le présent Parcours, qui se suffit à lui-même, est aussi l'explication du plan de l'Anthologie, son manuel de lecture et une proposition d'itinéraire fléché dans la diversité européenne. Conçu pour les étudiants et les professeurs autant que pour le grand public cultivé, il s'est efforcé de ne pas céder aux traditions des histoires nationales et de rendre à la littérature tous les domaines fondateurs de la civilisation qui ont été jugés dignes de demeurer par l'écriture.
En quatre générations, on passe d'une Europe en deux empires inégaux (Orient et Occident) à un Empire d'Occident "sur lequel le soleil ne se couche jamais". Les grandes découvertes, l'imprimerie, le prestige du latin, le retour du grec, la certitude de vivre un changement historique majeur invitent, au-delà de l'angoisse, à tout repenser, à tout reformuler. C'est le siècle du grand théâtre à sujets religieux, de Villon, de Tirant le Blanc, de La Nef des fous et d'Amadis de Gaule; c'est aussi le retour du platonisme et d'un idéal où l'unité absolue et savante espère toucher toute chose. Jamais réunis dans une seule collection, des passages choisis dans chacune des littératures d'Europe, permettent d'observer les spécificités littéraires, mais aussi les progrès et les difficultés, les irréductibilités et les compatibilités qui ont forgé la symphonie d'altérités qui constituera, au XXe siècle, l'identité européenne.
Ce volume comprend le répertoire de tous les traducteurs repris dans les différents volumes et les index des genres, des sujets, des auteurs, des oeuvres et des traducteurs qui permettent une navigation systématique et raisonnée dans l'ensemble du Patrimoine littéraire européen.
Le volume 4b est consacré aux littératures d'Europe occidentale : France, Catalogne, Espagne, Portugal, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège.
Actes du colloque tenu à Namur, en novembre 1998, réunissant des spécialistes et des collaborateurs du Patrimoine littéraire européen. Thèmes abordés : le français, langue culturelle de l'Europe; quelles sont les frontières littéraires de l'Europe ?; qu'est-ce que le patrimoine littéraire ?; les traductions littéraires, lieu de la conscience universelle.
Ce premier volume, à la fois anthologie en langue française de la littérature européenne de l'Atlantique à l'Oural et histoire de la traduction, offre un choix de textes fondamentaux de la tradition juive et chrétienne.
Le volume 2 constitue une anthologie exceptionnelle consacrée aux auteurs des fondements de notre civilisation. Chaque oeuvre est introduite par un spécialiste de la question et complétée d'une orientation bibliographique.
Le volume 4a est consacré aux littératures d'Europe orientale : Byzance, Arménie, Géorgie, Russie, Tchéquie, Serbie, Croatie, Pologne, Hongrie, Finlande, Estonie, Lettonie.
Le siècle de Pétrarque, de Boccace, de Chaucer et de l'humanisme naissant est aussi, en Europe, celui des grands mystiques (Eckart, Ruusbroec...). C'est le siècle où l'Orient chrétien, de plus en plus menacé par les Turcs, et l'Église d'Occident, en crise, tentent, sans lendemain, un ultime effort de réconciliation. C'est le moment où l'esthétique de la chevalerie chrétienne s'épuise et où l'éthique bourgeoise s'établit : allégorie, artifice, satire, didactisme y dominent.
Humanisme, baroquisme, classicisme contribueront à créer un équilibre esthétique en Europe, que chaque nation s'emploiera à incarner. Chaque État, chaque pays voudra se structurer comme modèle d'équilibre et devenir, autant que possible, principe d'intégration ou de négation exemplaire de diversités de plus en plus grandes que la réalité historique et sociale multipliait. De 1616 à 1720, c'est le temps de la grandeur et des grandes puissances, et de la volonté de stabiliser le mouvement en Europe.
Secouée par la Révolution française et promise à des renversements politiques périodiques, l'Europe intellectuelle et littéraire connaît, au cours de ce demi-siècle, des bouleversements tels que les certitudes acquises par la conscience moyenne dans le rayonnement des Lumières en sortent ébranlées. Les objectivités établies, du lointain comme du récent passé, semblent s'abolir. Le nouvel équilibre, de la sensibilité et de la raison, de la science et de l'émotion, se voit renversé par de violentes passions pour un ordre sans loi ou pour un impérialisme des systèmes. Subjectivité, relativisme, prééminence du concret, supériorité du mot sur le concept et de la preuve sur la notion s'imposent en esthétique.
Le romantisme se forme ainsi, à commencer par les lieux où le baroque n'avait pas cessé de produire sa mousse, sous le passage roulant du classicisme, singulièrement en Allemagne, puis à travers toute l'Europe, notamment par l'Angleterre et par la France, par la Pologne et par la Russie.
Entre la mort de Victor Hugo (1885) et celle de Marcel Proust (1922), l'Histoire de l'Europe connaît un de ses accomplissements décisifs. Si les empires coloniaux avaient déjà répandu sa civilisation, ses langues et sa culture dans le monde, la Première Guerre mondiale, la fondation de la Société des nations (1920) et l'établissement de l'URSS (1922) achèvent de mondialiser ses normes et de faire de ses valeurs le méridien de référence de l'humanité universelle.
Expression, par le langage verbal artistement maîtrisé, des relations que l'homme entretient avec lui-même et avec le monde, la littérature, au cours de cette période en Europe, est travaillée par la conscience de sa haute mission humaine. Mais elle est de plus en plus consciente que la science du réel et la maîtrise de l'action lui échappent et que le seul lieu décisif qui lui appartienne exclusivement est le langage, son mystère et ses enjeux, aussi essentiels à l'homme que l'homme lui-même, puisque le langage est le propre de l'homme.
L'éveil des nationalités, l'affirmation différentielle des langues des divers peuples européens et la légitimation de leurs littératures particulières sont portés par l'ample vague du Romantisme : mouvement qui touche la conscience universelle en raison même d'un message de libération individuelle adressé au sentiment d'appartenance collective.
La période qui s'étend de la mort de Goethe à celle de Victor Hugo voit naître en Europe, avec l'irrépressible pulsion des ultimes entreprises coloniales, une attention généralisée aux états d'âme et à leurs multiples expressions et les dernières grandes ambitions, intellectuelles et littéraires, du tout savoir et du tout dire.
La domination de l'Europe sur le monde s'accentue et s'accélère à la suite de la Grande Guerre. Dans le même mouvement cependant, les valeurs d'humanisme qui fondent la civilisation européenne, pour lors mondialisées, interrogent et mettent en cause l'histoire et la politique de l'Europe. Les sourdes pressions qui s'exercent sur la conscience européenne, des marges de son expansion universelle autant qu'en son propre sein, seront, entre 1923 et 1939, progressivement moins fortes que celles qui expriment avec une dernière violence les pulsions qui travaillent de l'intérieur la tradition des supériorités éprouvées et des anciens triomphes de l'Europe.
Les écrivains qui meurent au cours de cette période en ressentiront les conflits, mais, hormis les révolutionnaires, le plus souvent sans sortir du champ de l'art littéraire. Certains n'en éprouveront qu'une puissante nostalgie du passé récent et réagiront aux menaces par un souci renouvelé d'autarcie littéraire, poussé parfois jusqu'à l'incommunicabilité. Beaucoup se replieront, au prix d'une certaine atonie thématique, voire sous le couvert d'une réelle tristesse stylistique, sur les ordres établis de la fiction. D'autres, morts jeunes, sensibles aux désarticulations et aux mutations d'époque, ou durablement emportés par les élans révolutionnaires, les annonceront, les incarneront, les traduiront dans des formes et des références du sens inédites jusqu'à l'excentricité et, quelquefois, en mourront.
Ce volume, qui réunit 84 auteurs européens de 31 langues différentes, morts de 1923 à 1939, et en donne, en français, des textes représentatifs, entend faire découvrir ce qu'actualisent et reflètent, alors, les lettres dans le concert de l'histoire européenne.
La Deuxième Guerre mondiale a sonné le déclin politique des puissances d'Europe occidentale et le déplacement des polarités de l'axe historique du monde. Les facteurs d'empire, dans le même temps, sont passés, à la faveur des triomphes technologiques, des ordres politique et militaire et de la symbolique du sacré à l'ordre cynique des rapports de force, politique, économique et militaire. Dans le même mouvement, la légitimité du sens de l'existence est passée, sous le couvert de fausses fractures idéologiques, de la sphère publique à la sphère privée : les évidences, les références, les connivences et les cohérences de la conscience universelle sont devenues précaires, celles de la conscience individuelle, de plus en plus virtuelles, celles de la conscience collective, fluctuantes. La conscience, cependant, quelles qu'en soient les instances, fut toute soumise aux déstabilisations ou aux déconstructions du dire par le discours. La reconstruction de l'Europe et les promesses de l'Union européenne n'ont rien changé, fondamentalement, aux nouveautés inouïes perçues par les écrivains et au propos de leurs oeuvres.
Ainsi, les littératures européennes ont été durablement affectées, en y réagissant quelquefois, par les ruptures et les débandades des certitudes de tous ordres. Elles ont reflété le plus souvent, dans leurs formes et leurs thématiques, et cela parfois jusqu'à l'auto-mutilation, les vertiges et les désarrois d'un univers où se présentaient, au hasard, les idées aux mots, les formes aux choses, les réalités aux systèmes, sans vérités établies. Elles ont proposé, plus rarement, de nouvelles profondeurs.
Ce volume, qui réunit 88 auteurs européens de 30 langues différentes, morts de 1940 à 1958, et en donne, en français, des textes représentatifs, entend faire découvrir ce que devinrent, alors, les lettres dans la crise de l'identité européenne.