Palmarès Le Point - Les 30 livres de l'année 2022« C'est à l'âge de quinze ans que le chant s'est éveillé en moi. Je m'ouvrais à la poésie et entrais, comme par effraction, dans la voie de la création... » Depuis son premier essai sur l'eau et la soif - unique témoin de son adolescence chinoise qu'il a emporté en France et dont il nous livre aujourd'hui la traduction - en passant par ses rencontres avec Gide, Vercors, Lacan, Michaux, Emmanuel, Bonnefoy et tant d'autres, François Cheng nous fait partager la longue route qui l'a conduit à devenir, lui l'exilé qui ne savait dire ni « bonjour » ni « merci » lorsqu'il est arrivé à Paris, un poète français.Cette route, malgré les affres de la guerre en Chine, l'extrême précarité matérielle des premières décennies en France, et de cruels tourments intérieurs, mais est toujours éclairée par la poésie française qu'il intériorise au fond de sa nuit solitaire. Elle l'est aussi par un amour passionné pour la langue d'un pays dont François Cheng a fini par épouser le « chant » et le destin. La lumière singulière qui émane de ce récit est celle d'une symbiose qui unit la Voie du Tao et la voie orphique et christique, orientant sans cesse le poète vers l'authentique universel. Une merveille. Challenges
« Ma voix va s'efforcer d'être celle des quarante ou cinquante millions de victimes dont la voix, en Europe centrale, est étouffée, étranglée. [...] Vous savez tous comment la tragédie a commencé. Ce fut quand surgit en Allemagne le national-socialisme, dont la devise fut dès le premier jour : étouffer. »Voyageur infatigable, passionné de littératures et de cultures étrangères, Stefan Zweig partageait avec les grands intellectuels de son temps un pacifisme actif et des rêves humanistes. Face à la montée du nazisme et à l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, qui le contraignirent à l'exil et à l'errance, il n'eut de cesse de lutter contre l'effondrement de l'Europe.
Articles, chroniques et essais inédits écrits par Stefan Zweig entre 1911 et 1942, autant de précieux fragments disparus ou encore oubliés qui reflètent l'actualité mouvante de toute une époque et nous font découvrir, à saut et à gambades, les ressorts intimes d'une écriture engagée.
« Le monde vit un grand spectacle permanent, mélange de cirque et de concert de klaxons. Dès l'adolescence, je me suis installé dans le confort ricanant de l'écriture pour l'observer.
De décennie en décennie, je suis arrivé tant bien que mal à l'année 2010, date à laquelle commence ce nouvel ouvrage écrit entre 2010 et 2020, à raison de deux feuillets hebdomadaires pour Le Point. Les événements comptent peu, sauf les morts. Les partis sont pris.
Guerres et soirées, élections et vacances, amours et désenchantements, villes et mers (et même un peu de Seine-et-Marne) : toute ma vie y est accrochée, comme Don Quichotte sur les ailes d'un moulin de la Manche.
J'écris mes articles comme des romans et mes romans comme des articles : Dieu reconnaîtra les saints. J'ai d'abord écrit dans les journaux pour sortir de chez moi afin d'aller au journal, jusqu'à ce que le fax, puis le mail m'intiment de rester à la maison derrière un bureau que je n'ai pas. Des années que j'écris sur un canapé : le lieu de la mort de Pouchkine. » P. B.
Ce monde va de travers, à tel point que lui désobéir devrait être une urgence partagée et brûlante. Dans cet essai intempestif, Frédéric Gros réinterroge les racines de l'obéissance politique.
Conformisme social, soumission économique, respect des autorités, consentement républicain ? C'est en repérant les styles d'obéissance qu'on se donne les moyens d'étudier, d'inventer, de provoquer de nouvelles formes de désobéissance : la dissidence civique, la transgression lyrique... Rien ne doit aller de soi : ni les certitudes apprises, ni les conventions sociales, ni les injustices économiques, ni les convictions morales.
La pensée philosophique, en même temps qu'elle nous enjoint de ne jamais céder aux évidences et aux généralités, nous fait retrouver le sens de la responsabilité politique. À l'heure où les décisions des experts se présentent comme le résultat de statistiques glacées et de calculs anonymes, désobéir devient une affirmation d'humanité.
Philosopher, c'est désobéir. Ce livre en appelle à la démocratie critique et à la résistance éthique.
Sylvain Tesson nous offre à chaque livre un tout petit peu de sa merveilleuse et nécessaire énergie vagabonde. Noir est un livre sur la mort qui est un formidable hymne à la vie. François Busnel - La Grande Librairie« Je n'aime pas la mort. Mais je sais ce que je lui dois. Sans elle, la vie serait synonyme de l'ennui. La mort nous interdit de prendre la vie à la légère. Ce n'est pas son moindre mérite. C'est pour cela que je dessine pendus & suicidés depuis trente ans. Pour me rappeler qu'au bout du chemin, il n'y aura pas la possibilité de remettre une pièce dans la machine. J'ai couvert des centaines de feuilles. Sur les routes, dans les cabanes, à bord des bateaux, je griffonnais. J'ai cinquante ans aujourd'hui, la mort m'a plutôt épargné, preuve que ma méthode était la bonne.Ces dessins ne trahissent aucun goût pour le macabre : Au contraire, les petits pendus de mes carnets me sourient et me serinent en latin (la mort parle toujours le latin) : memento mori. Souviens-toi que tu es mortel. Dans le brouhaha d'une vie en fête, dans le contentement de soi et dans le désordre de nos heures, on aurait tendance à l'oublier. C'est un tort. » Sylvain Tesson Ni macabre, ni sordide, plutôt une ode à la vie. Anne Fulda- Le Figaro Sylvain Tesson célèbre avec talent et humour notre destin de mortel pour soigner nos âmes. Challenges
« Je n'ai rien oublié de ma fascination enfantine puis adolescente, de l'ivresse des sensations chevalines. » À l'âge de huit ans, Juliette Nothomb a eu un coup de foudre : le cheval a changé sa vie. Un monde de complicité, de rigueur et de passion s'est ouvert à elle. Dans cet éloge vibrant des liens profonds qui l'unissent depuis à cet inimitable compagnon, elle invite tous les amoureux du cheval à célébrer l'harmonie et la liberté dont cet animal est l'incarnation.
«Parmi les entretiens que j'ai donnés depuis 1984, j'en ai réuni trente. On y trouvera le jeu de masques que ce genre exige, des contrevérités peut-être, de l'incongru, des traits de mauvaise foi, mais sûrement aussi quelques vérités, pas toutes involontaires.Et puis, relisant ces propos, je me dis qu'à défaut de la vérité introuvable, on y trouve enlacés les souvenirs et les lectures qui m'ont constitué : le panthéon aztèque et la chasse à Dieu dans Moby Dick, le petit roman de trente pages de Lautréamont et le rasoir d'un théologien anglais, une écoute enfantine de Salammbô qui est ma scène primitive, des lieux et des noms. Melville et Faulkner, Beckett y voyagent parmi des toponymes limousins. Mes morts bavards, Flaubert, Rimbaud et Villon, Giono et Borges, Hugo, y fréquentent des prolétaires morts sans discours.» Pierre MichonDepuis Vies minuscules (Prix France Culture 1984), Pierre Michon a publié notamment Rimbaud le fils, La Grande Beune, Les Onze (Grand prix du roman de l'Académie française)... En 2015, il a reçu le prix Marguerite-Yourcenar pour l'ensemble de son oeuvre et, en octobre 2019, le prix Franz-Kafka.
« Se souvenir, c'est vivre, aimer, penser une seconde fois - en mieux. Et si lire, c'était aussi se souvenir ? Mais de quoi ? Le passé réserve bien des surprises...
On apprend tout dans un livre, sauf à mentir. On y découvre qu'aimer, c'est apprendre à lire. Et que lire, c'est apprendre à aimer. »
« La France est plus que jamais coupée en deux : non pas la droite et la gauche, non pas les libéraux et les anti-libéraux, non pas les progressistes et les souverainistes, mais d'une part ceux sur lesquels s'exerce le pouvoir, que je nomme le peuple, et d'autre part ceux qui exercent le pouvoir, les élites comme il est dit.
Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ! Ce mot de La Boétie doit devenir l'impératif catégorique d'une gauche libertaire et populaire, populiste même si l'on veut, car il n'y a que deux côtés de la barricade, et je ne crains pas de dire que j'ai choisi le camp du peuple contre le camp de ceux qui l'étranglent. » Michel Onfray
« Comme tous ceux qui, depuis la plaine de l'Ombrie, voient Assise pour la première fois, je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d'été, par la vision de cette blanche cité perchée à flanc de colline, suspendue entre terre et ciel, étendant largement ses bras dans un geste d'accueil. Figé sur place, j'eus le brusque pressentiment que mon voyage ne serait pas que touristique, qu'il constituerait un moment décisif de ma vie. Je me surpris à m'exclamer en moi-même : Ah, c'est là le lieu, mon lieu ! C'est là que mon exil va prendre fin ! »
« C'est arrivé en douce, subrepticement, sournoisement, sans prévenir, une vraie saloperie, une lente et insidieuse pénétration. Je suis l'esclave d'une chose indéfinissable qui est en train de me détruire et je lui obéis sans aucune résistance... » La dépression nerveuse : ça peut tomber sur n'importe qui, même sur un homme au sommet de la réussite. Philippe Labro revient de l'enfer. Il le dit. Il dit surtout qu'on peut en sortir, que tout le monde peut remonter la pente.
C'est toujours pour de « bonnes raisons » que nous jugeons autrui, au nom d'une prétendue morale chrétienne, ou de valeurs laïques qui en dérivent peu ou prou, oubliant l'affirmation de Jésus : « Moi, je ne juge personne. » Lytta Basset analyse ici notre besoin de juger l'autre, symptôme d'une peur fondamentale. En entrant dans le récit évangélique de « la femme adultère », nous devenons acteurs de ce drame dans lequel on voit les défenseurs de la morale religieuse présenter à Jésus une misérable « traînée », pour qu'il la juge. Au fil de cette lecture de l'Évangile de Jean, alors que sont convoquées quelques autres figures bibliques comme celle de Judas, nous sommes peu à peu transformés de manière subtile, renvoyés à nos angoisses personnelles, confrontés à notre être profond. Et là, guéris de toute peur par Celui qui ne juge personne, nous Le suivons enfin dans ce pays où il n'est plus question de jeter la pierre à autrui.
En Europe, on a brûlé les sorcières jusqu'au XVIIe siècle. Elles n'étaient coupables que d'une seule chose : être femme. À la veille de la Renaissance, un pape avait proclamé que toutes les femmes étaient sorcières. Bonnes à tuer pour protéger le « membre viril » disent les textes. Toutes ces cruautés à peine balayées par la Révolution française, l'impure sorcière fut bientôt transformée en son contraire : la très pure Sainte Vierge.
Que reste-t-il aujourd'hui de ces sorcières jadis brûlées, écartelées, maudites ? Guérisseuses de choc cachées dans les campagnes, petites-filles du féminisme, activistes Femen ou membres du mouvement #Metoo, les sorcières du XXIe siècle sont libres et fières de l'être.
« Tous les hommes vastes et profonds de ce siècle aspirèrent au fond, dans le secret travail de leur âme, à préparer cette synthèse nouvelle et voulurent incarner, par anticipation, l'Européen de l'avenir », écrit Nietzsche en 1885. C'est à cette tâche qu'Heinz Wismann s'est consacré en interrogeant les traditions intellectuelles qui, dans leurs différences et leurs contradictions, constituent la culture philosophique et scientifique contemporaine. Au centre de ses activités de passeur entre l'Allemagne et la France : l'analyse des mécanismes par lesquels une tradition se sédimente et tout à la fois innove. La conception des rapports entre les langues en est le terrain d'exercice privilégié, car ce qui se joue entre elles modifie leur structure syntaxique. En déployant son enquête à l'intérieur d'un triangle allemand-français-grec, il met en lumière différentes hypothèses de sens, chaque fois portées par une autre manière de parler. Ainsi découvrons-nous comment certains auteurs majeurs ont dit dans leur langue autre chose que ce qu'elle dit communément : ils inventent une langue dans leur langue. D'Homère à Benjamin, de Platon à Kant, de la philologie à la musique, de la langue au texte, c'est ce tissage de la pensée qu'Heinz Wismann évoque avec un savoir et un talent exceptionnels.
Au travers de son oeuvre, poèmes ou essais, Yves Bonnefoy s'adressait toujours à autrui. Voyant dans la poésie une « poignée de main », selon le mot de Celan qu'il aimait rappeler, il a donc pratiqué l'entretien comme un genre littéraire de grande dignité. La rencontre, par écrit, avec chacun de ses interlocuteurs fut chaque fois l'occasion d'une recherche commune, lors des entretiens sollicités par des revues tout autant que lors de ceux dont il prenait l'initiative avec tel ou tel de ses amis. Dans ce nouveau volume qui fait suite à Entretiens sur la poésie (1972-1990) et à L'Inachevable, Entretiens sur la poésie (1990-2010) sont réunis treize des entretiens des dernières années et un essai, Ut pictura poesis. Sous l'angle de l'expérience poétique et de la manière dont il la comprend, Bonnefoy mène une réflexion sur les grands aspects de l'exister humain : la musique, le souvenir, les figures parentales, les mathématiques, le désir d'unité, le dialogue, le lieu, la peinture, ou l'usage des mots. Il évoque aussi, en quelques occasions, certaines périodes de sa vie et de sa création : ainsi la solitude de son enfance ou les étapes de son rapport avec la musique et les musiciens.
Ces entretiens sont issus de la série de cinq émissions « A voie nue » diffusées sur France Culture en octobre 2014. Sur un ton très personnel, François Cheng y dévoile certains épisodes de son enfance et de son adolescence chinoise, évoque la misère de ses premières années en France et son apprentissage du français. Il revient sur ses thèmes de prédilection - la beauté, la mort, le mal - mais aborde aussi d'autres thèmes comme la méditation telle qu'il la pratique, l'amitié, l'amour. et même son goût pour les saveurs - délicieux passage sur sa découverte de sa première pâtisserie occidentale en Chine....
Les entretiens sont assortis et suivis de poèmes, dont douze inédits, liés aux thèmes évoqués.
Daniel Picouly revient sur son enfance et son rapport à l'apprentissage et à la transmission. Il se dédouble, tour à tour l'enfant qu'il fut et l'adulte qu'il est. Il narre des souvenirs, d'abord au premier degré, puis avec recul. Dans les deux cas, on assiste à la confrontation entre les rêves d'un gamin de 10 ans en 1958, et ceux de l'adulte qui, au fond, est resté le même. Il sait se faire attendrissant, sans verser dans la mièvrerie, raconter des histoires, sans pédanterie ni didactisme. Il a le vrai talent de ne pas faire de morale et d'être généreux. On redécouvre des réflexions enfantines ; on respire un air de nostalgie (l'enfance, mais aussi cette période où les noms ont valeur de symboles poétiques : Pierre Benoit, Gaston Leroux, Mendès-France.). Un très joli petit texte où les répliques fusent avec humour («Aux rations de guerre, les cancres reconnaissants »), où l'émotion est constante et contenue.
Paul Gravollet, de la Comédie-Française, a longtemps formé non seulement des acteurs mais aussi des avocats, des professeurs, des personnalités politiques ou mondaines, etc. De tous les exercices qu'il a donnés à ses élèves, afin de les rendre maîtres de la mécanique de la diction et de la déclamation, il a tiré cinquante leçons graduées en choisissant, parmi ces exercices, ceux qui amènent dans la pratique les progrès les plus sûrs et les plus réguliers.
Le professeur, avant de demander à l'élève une compréhension en profondeur du texte et la plus grande variété dans la vérité de l'expression, devra l'aider à développer les moyens physiques nécessaires pour y parvenir :
- perfectionner l'articulation.
- corriger les défauts de prononciation : blèsement, sifflement de l's, grasseyement, bégaiement, mollesse, nasillement, déformation et confusion des voyelles, déformation et confusion des consonnes.
- poser la voix dans la poitrine, développer les notes graves, faire chanter les notes hautes, éviter le cri.
- augmenter la puissance du souffle en réglant la respiration par entraînement.
- diriger et contrôler le geste.
- éveiller la physionomie.
- donner par graduation l'indépendance et la spontanéité du rire et des larmes.
Le guide de Paul Gravollet est un ouvrage désormais classique et qui a fait ses preuves. Il rendra de précieux services, tant aux professeurs de diction et à leurs élèves qu'à tous ceux qui, par nécessité professionnelle ou par goût, veulent acquérir une bonne diction et le pouvoir de conviction qui en découle.
En 1958 était publié, sous la signature conjointe de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L'apparition du livre. Ecrit par Henri-Jean Martin sous l'inspiration de Lucien Febvre, cet ouvrage va devenir très vite un classique et provoquer une véritable révolution. Pour la première fois, la naissance et la diffusion du livre étaient analysées dans toutes leurs dimensions : intellectuelle, culturelle, économique, sociale, esthétique. Les hommes, les ateliers typographiques, l'invention des caractères, l'édition des textes, la mise en pages, tous ces points se voyaient éclairés à travers une grande histoire sociale. Ce fut l'acte de naissance d'un nouveau regard historique sur le livre qui n'a cessé depuis de se renouveler.
Frédéric Barbier, directeur d'études à l'E.P.H.E., assure la postface de cette réédition qui vise à comprendre le travail commun de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin et à montrer l'extraordinaire fécondité de leur ouvrage.
« Il semblerait qu'à peu d'exceptions près le désir de toucher le fond même du réel pousse Bacon, d'une manière ou d'une autre, jusqu'aux limites du tolérable et que, lorsqu'il s'attaque à un thème apparemment anodin (cas de beaucoup le plus fréquent, surtout dans les oeuvres récentes), il faille que le paroxysme soit introduit du moins par la facture, comme si l'acte de peindre procédait nécessairement d'une sorte d'exacerbation, donnée ou non dans ce qui est pris pour base, et comme si, la réalité de la vie ne pouvant être saisie que sous une forme criante, criante de vérité comme on dit, ce cri devait être, s'il n'est pas issu de la chose même, celui de l'artiste possédé par la rage de saisir. »
Michel Leiris
Marie-Antoinette était-elle une intrigante aux ordres de l'Autriche, une femme de l'ombre prête à tout pour nuire à la France, comme la dépeint une certaine légende noire, ou une pauvre créature dépassée par les événements ? Elle a été présentée comme l'une et l'autre selon les convictions des historiens eux-mêmes, souvent plus soucieux de raconter leur vision de la fin de l'Ancien Régime que de laisser parler les documents. Parmi les archives, les lettres et billets qu'elle échange, durant une vingtaine d'années, avec l'ambassadeur impérial à Paris, lèvent un coin du voile. Publiée pour la première fois en intégralité, la centaine de courriers envoyés au diplomate autrichien nous donne à lire les propres mots de Marie-Antoinette, parfois tracés à la hâte et raturés, et à entendre sa voix. Si souvent déformée par les contemporains et par les commentateurs, c'est la voix d'une femme qui, de son vivant et jusqu'à nos jours, a suscité passions ou prises de position extrêmes. L'historienne Catriona Seth accompagne d'une fine et passionnante analyse cette correspondance exceptionnelle.
" On s'emploie avec raison à sauver toutes sortes d'espèces d'oiseaux, d'insectes, d'arbres, de plantes, de grosses et de petites créatures bien vivantes, menacées de disparition... Rares sont les personnes émues par la disparition des mots. Ils sont pourtant plus proches de nous que n'importe quel coléoptère. Dieu sait que les initiatives ne manquent pas, ni les bras ni l'argent, pour conserver le patrimoine, mais, alors que les mots en font autant partie que les pierres, les tissus, la porcelaine, l'or et l'argent, ils n'intéressent pas grand monde. L'écologie des mots est balbutiante... Et si on travaillait à sauver des mots en péril ? " De argousin à y (comme dans : " Fait-y chaud ? ") Bernard Pivot propose de sauver cent mots " en voie de disparition ", c'est-à-dire qui ont disparu des deux dictionnaires populaires de langue, Le Petit Larousse et Le Petit Robert. Il nous explique ainsi, citations à l'appui, quand et comment employer trotte-menu, turlutaine ou encore suivez-moi-jeune-homme.
Un texte convaincant écrit d'une plume alerte, pleine d'humour et dénuée de pédantisme : un Pivot en pleine forme.
Personnalité inclassable, chilien d'origine russe, initié au zen au Mexique, Alexandro Jodorowsky est cinéaste, dramaturge, tarologue et fondateur, avec Arrabal et Topor, du concept de « théâtre panique ». Profondément bouleversé par la mort subite d'un de ses fils, il vit un immense désespoir qui va le rendre conscient de son absolu manque de foi. De ce choc naît ce très beau recueil de méditations sur le mystère de la destinée humaine, à mi-chemin entre la poésie et la philosophie. L'ensemble de ces pensées et aphorismes est empreint d'une sensibilité qui nous ouvre à la connaissance de l'âme. Selon les mots de son auteur, « Il n'y a pas un seul mot dans ce livre qui ne m'ait été inspiré par ce centre lumineux qui est la racine de notre ombre. »
Dès les années 1920, Paul Morand a compté pour ami Pierre Benoit, l'illustre auteur de L'Atlantide. De nombreux points communs les rapprochent : le goût du voyage, la passion de l'aventure, une conception de l'art littéraire romanesque où domine la figure féminine. À partir des années 1930, le rapprochement se marque davantage : Paul Morand songe à entrer à l'Académie française, où l'influence de Pierre Benoit est grande. Puis, après la longue interruption de la guerre et de l'après-guerre, les lettres reprennent et s'intensifient dans les années 1950, quand Paul Morand est pris par une idée fixe : être admis dans l'illustre compagnie pour retrouver son prestige perdu après ses années passées à travailler pour le régime de Vichy. On le voit manoeuvrer pour atteindre son but qui se solde par un échec retentissant en 1958 avec le retour au pouvoir de son plus ferme ennemi, Charles de Gaulle. Contre toute attente, la fin du livre découvre un autre Paul Morand, sensible à la maladie de l'épouse de son ami et prenant part à son deuil ...
Comme l'écrit Gabriel Jardin, cet ensemble inédit, fresque tragi-comique de la vie littéraire de l'après-guerre, est l'occasion, au gré des lettres de Paul Morand, de découvrir la « preuve d'une amitié qui dévoile un peu plus la part sensible d'un homme qui, il est vrai, n'aimait pas se livrer sinon indirectement par ses livres. »