Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime.
« C'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de réfléchir, d'analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d'être ce que nous voulons. C'est à nous, et à personne d'autre, qu'il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
À nous de rire, de dessiner, d'aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration - en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot. » Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès intellectuel, procès historique, au cours duquel l'auteur retrace, avec puissance, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur, évoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre.
Bien plus qu'une plaidoirie, un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée.
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! »
Surnommée « la reine des fleurs » depuis l'Antiquité, la rose règne sans partage : elle est la plus offerte au monde. En l'associant à l'amour dès son apparition, en Perse, nous lui avons prêté une passion que nous la chargeons de transmettre, ce qu'elle accomplit avec charme et fugacité, douceur et piquant. Cueillons-la avant qu'il ne soit trop tard, en compagnie d'Alain Baraton, le jardinier de Versailles, dans ce livre qui est la première histoire culturelle de la rose.
Qu'est-ce qui la caractérise ? Comment et quand s'est-elle répandue sur toute la terre ? Quelles sont ses propriétés, quelle est sa symbolique ? La rose rose est-elle la rose originelle ? Qui sont ceux qui lui ont donné son nom (et ceux qui en rêvent) ? De quels grands peintres a-t-elle été la fleur favorite, quels sont les plus beaux poèmes en son honneur, quels musiciens ont composé en s'inspirant d'elle ? Saviez-vous que la rose a causé des guerres, et engendré des usages gastronomiques ? La fleur la plus célèbre du monde est pleine de surprises.
Tout ceci, et bien d'autres découvertes encore, nous attendent dans Le Livre de la rose, où, alliant botanique, histoire et anecdotes, Alain Baraton révèle les secrets de la fleur aux cent pétales.
« Michel Louise. Née le 29 mai 1830 à Vroncourt. Profession institutrice. Religion idolâtre. Matricule 9. Coupable 1/ de Port d'armes apparentes étant revêtue d'un uniforme, pendant un mouvement insurrectionnel. 2/ d'avoir fait usage de ces armes. ».
Ainsi s'ouvre le dossier pénitentiaire de celle qui fut embarquée et encagée vers le bagne de Nouvelle Calédonie en 1872, où elle vivra presque dix ans, avant de revenir en métropole poursuivre son combat. Ce n'est que le premier des dossiers instruits contre elle. Toute sa vie, cette figure puissante de la Commune, féministe et anarchiste qui a dédié sa vie à la révolution, sera placée sous surveillance par la République et sa police, et plusieurs fois arrêtée. C'est en prison, qu'elle rédige ses mémoires.
Dans la lignée de sa série pour France Culture, Judith Perrignon nous offre le destin de cette femme exceptionnelle, en même temps qu'un voyage dans les archives officielles. Des procès, des rapports, des courriers, des rumeurs d'indics, des filatures, pour creuser au-delà d'une biographie, le sillage des révolutions jusqu'à la Commune, cette guerre civile française jamais nommée, si peu enseignée dans les classes, et parvenir à ce moment fondateur de la fin du 19ème siècle, « ce qu'on appelle la République française », ricanait Louise Michel dans une lettre envoyé depuis le bagne à ceux qui l'y avait envoyée. « Au revoir messieurs, à bientôt ! » signait-elle.
Portrait d'une femme, d'une époque agitée par l'idéal et les idées : Judith Perrignon fait entendre avec puissance et émotion les voix d'alors.
« Accusé, levez-vous ! Eh oui, né au milieu des années 1950, donc responsable, heureusement pas tout seul, de tous les maux de la planète. La génération de mes enfants et plus encore celle des milleniums me taxent d'inconscient, voire de criminel coupable d'un écocide. Pourtant, je suis naturaliste, paléontologue et biologiste, j'ai passé des années comme chercheur au CNRS, puis comme Président du Muséum national d'histoire naturelle à prendre la parole et la plume pour alerter, pour défendre la cause de l'environnement et de la biodiversité. C'est dire que j'y suis sensible ! En dépit de cela, je suis a priori coupable de ne pas l'avoir fait assez tôt, de ne pas avoir assez tôt accordé mes paroles et mes actes. Mais était-ce si simple ? Que savons-nous de ces périodes de consommation frénétique? Étaient-elles d'ailleurs si frénétiques ? Et à quelle époque ai-je approché, senti puis vraiment compris que nous étions dans l'irréversibilité ? » Dans ce texte personnel et éclairé, Bruno David nous raconte sa prise de conscience environnementale au fil des décennies. De son enfance à ses études scientifiques, d'un épisode de pêche dans un fleuve aux eaux incertaines au rivage tragique d'une marée noire,, d'un premier rapport du GIEC à une discussion avec un climato-négationniste qui s'ignore, d'une décennie froide à un été irrespirable, il nous livre ses doutes, ses inquiétudes fugaces, parfois contre-intuitives puis de plus en plus rationnelles, jusqu'à l'année irréversible...
Un récit unique en son genre, mêlant portraits, choses vues, chiffres clés et lutte contre les a priori ou l'ignorance. Quand un grand scientifique nous guide librement sur le chemin de la connaissance et de la transformation de notre monde. A placer entres toutes les mains !
A l'heure où la destruction des forêts suscite les plus vives inquiétudes, souvenons-nous que l'humanité et les arbres ont toujours formé un duo vital. Amoureux des forêts qu'il arpente depuis l'enfance, Dominique Roques évoque avec une lucidité sensible la magie de ses rencontres avec plusieurs grandes espèces d'arbres, tout en mettant en lumière les contradictions d'une économie essentielle à l'humanité.
Car les humains ont grandi parmi les arbres et grâce à eux. Depuis l'invention de la hache, le même paradoxe est à l'oeuvre : en coupant du bois, la population se sédentarise et abat toujours plus d'arbres. De sorte qu'en un peu plus d'un siècle, nous avons coupé la moitié des forêts de la planète. Une accélération mortifère.
Bucheron, sourceur, grand voyageur, à travers le fil conducteur du parfum, omniprésent de la cime des pins aux fumées du charbon de bois, Dominique Roques restitue magistralement le destin de forêts exceptionnelles. Les mythiques cèdres du Liban, qui servirent à ériger le temple de Salomon. Les hêtres d'Europe, symboles de mystère et de danger, abattus pour faire reculer le monde sauvage. Les séquoias géants de Californie, décimés par l'arrivée de la mécanisation, qui firent naître la conscience écologique américaine. Ou encore le gaïac bleu, bois saint du Paraguay, refuge des populations guarani. Autant d'histoires fabuleuses et souvent tragiques.
Tout sépare l'arbre, programmé pour une forme d'éternité, et l'homme, sur terre un court instant. Des Gingko ont survécu à Hiroshima, Tchernobyl est aujourd'hui densément boisé : quoiqu'il leur arrive, coupées, brûlées, les forêts repoussent, tissant inlassablement ce que nous déchirons. Mais en abîmant les arbres, c'est nous-même que nous mettons en péril.
Aussi, à la suite du Giono de L'homme qui plantait des arbres, ce récit d'une écriture magnifique appelle à protéger, restaurer et replanter les forêts sauvages. Si la nature a besoin de nous, nous avons encore plus besoin d'elle. Il y a urgence. Réconcilions-nous avec ce dernier refuge contre le bruit et la fureur des hommes.
« Puisque mon désir de vivre en dehors des prescriptions normatives de la société binaire hétéro-patriarcale a été considéré comme une pathologie clinique caractérisée sous le vocable de « dysphorie de genre », il m'a paru intéressant de penser la situation planétaire actuelle comme une dysphorie généralisée. Dysphoria mundi : la résistance d'une grande partie des corps vivants de la planète à être subalternisés au sein d'un régime de savoir et de pouvoir patriarco-colonial. ».
Tel est le point de départ de ce livre de « philosophie documentaire » où l'auteur, malade du covid et enfermé seul dans son appartement, emprunte à tous les genres (essai, fiction, journal) pour raconter à sa façon un monde dont les différentes horloges se sont synchronisées au rythme du virus, mais aussi du racisme, du féminicide, du réchauffement climatique... et de la rébellion à venir. Une manière de carnet philosophico-somatique d'un processus de mutation planétaire en cours.
Si la modernité disciplinaire était hystérique ; si le fordisme, héritier des séquelles des deux guerres mondiales sur la psyché collective, était schizophrène ; le néolibéralisme cybernétique, lui, est dysphorique.
L'hypothèse centrale de cet essai : les événements qui se sont produits pendant la crise du covid à l'échelle mondiale marquent le début de la fin du réalisme capitaliste.
Sommes-nous condamnés à croire tout savoir et ne rien pouvoir faire pour changer le cours des choses (paranoïa conspirationniste) ou continuer à tout faire de la même manière mais sentir que plus rien n'a de sens (dépression individualiste) ? Non : il est possible de franchir le pas vers une autre épistémologie terrestre. Encore faut-il refuser la nouvelle alliance du néolibéralisme numérique, des rhétoriques néo-nationalistes, l'explosion des inégalités économiques, des violences raciales, sexuelles et de genres, la destruction de la biosphère pour initier un profond processus de décarbonisation, de dépatriarcalisation, de décolonisation : c'est l'« hypothèse révolution » dont ce livre pose les prolégomènes...
« Si vis pacem, para vinum » Ces quelques mots figurent dans le Traité d'Arras de 1482. Comment clore une guerre qui met l'Europe à feu et à sang ? En scellant l'amitié nouvelle non pas au fer du tonneau, mais dans un partage civilisé, poétique et puissant. Cadeau fait aux rois et aux reines, transporté en carriole jusqu'à la table des empires réconciliées. Et aujourd'hui en cargo ou par avion... Que l'histoire du vin et de la terre soit aussi puissante que l'histoire des hommes cruels ou malhabiles.
Tel est le projet de Laure Gasparotto, nous conter cette terre de passage, de commerce et de rivalité : la Bourgogne. La région qui a inventé le vin, scientifiquement, artistiquement, dans le secret des monastères cistercien, mêlant influences méditerranéennes et continentales. Car depuis le onzième siècle, c'est bien ici qu'ont été développés tous les savoirs, dont sont nés des grands crus aujourd'hui légendaires... et inaccessibles : Romanée-Conti, Corton Charlemagne, Bâtard Montrachet, Charmes Chambertin, Clos de Vougeot. La Bourgogne est un don de la vigne et ses fruits des trésors, élevés par des artisans de la terre et du végétal, des passionnés discrets, qui perpétuent le geste ancestral du vigneron contre les grandes transformations du monde.
Ce vignoble classé au patrimoine mondial de l'Unesco, tant décrit par la littérature, ouvert et pourtant bien caché, ne vaut que par sa façon de l'aborder : pieds dans la terre, mains à l'oeuvre, palais à l'affût. Laure Gasparotto, bourguignonne d'adoption et passionnée de vin, nous raconte admirablement son horizon, ses histoires, ses grandes figures comme Lalou Bize Leroy ou Aubert de Vilaine. Ces pages sont l'éloge joyeux et vivant d'un rapport avec le monde : ouverte mais consciente de son histoire, jamais rincée ou appauvrie par une mondialisation galopante comme d'autres régions de vin : la Bourgogne c'est la France.
On trouve tout dans la littérature. Parce que les grands romanciers ont la lucidité des « voyants », comme le disait Rimbaud des poètes, la lecture de leurs romans aide à comprendre le monde.
Rien de mieux que La Tâche de Philip Roth pour traquer la montée du moralisme dans nos sociétés, La ferme des animaux de George Orwell pour saisir les dynamiques dévorantes de l'extrémisme, Meursault contre-enquête de Kamel Daoud pour traquer les catéchismes idéologiques, Sa majesté des mouches de William Golding pour décoder le populisme, Beloved de Toni Morrison pour interroger nos réécritures du passé, Le Hussard sur le toit de Jean Giono pour déchiffrer nos épidémies de la peur ou les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar pour ne plus jamais penser que la culture et notamment les livres ne seraient pas essentiels.
Cet essai riche et éclairant nous fait plonger dans près de vingt-cinq romans incontournables, des textes aussi merveilleux que L'Iliade et l'Odyssée d'Homère, Lady L. de Gary, Germinal de Zola, Ulysse de Joyce, Moby-Dick de Melville, Robinson Crusoé de Defoe ou La chute de Camus. Parce que ces grands livres offrent des clés insoupçonnées, ils deviennent autant de compagnons de route pour mieux lire notre époque.
Gourmand et passionné, Mathieu Laine nous convie ainsi dans les invariants de la nature humaine que seule la littérature permet de percevoir avec autant de finesse. Alors qu'on lit de moins en moins, ce livre donne terriblement envie de lire et de relire. Pour nous distraire mais aussi pour aiguiser notre esprit critique et nous garder des idées fausses. « Lisez pour vivre », disait Flaubert. Sans roman, la vie est impossible !
Un soir d'été, bien avant le Covid, un accident de voiture m'a brusquement fait perdre l'odorat. Moi qui adorais les odeurs, je n'imaginais même pas qu'elles puissent s'évanouir ! Et pourtant, tout ce que je respirais semblait désormais « vide » : l'odeur des aliments, de la nature, celle des autres, la mienne... Disparues ! La vie n'avait plus de saveur. Même mes émotions et souvenirs en ont été affectés.
Pour conjurer le sort, j'ai tenu un journal de mon voyage dans cet étrange univers aseptisé, tout en essayant de comprendre ce qui m'arrivait, et comment fonctionnait notre nez. Je suis également allée à la rencontre de nombreux « orfèvres » des odeurs : parfumeurs, vignerons, médecins, chimistes ou grands chefs.
J'ai écrit ce livre pour célébrer l'odorat, ce sens méconnu dont sont privées des dizaines de millions de personnes dans le monde - notamment à cause du Covid. Mais avant la pandémie, qui savait ce que signifie l'anosmie ? Dénigrée par Kant ou Freud, en voie de réhabilitation par les aficionados d'une époque en quête de plaisirs, l'olfaction recèle pourtant bien des surprises. Et les questions sont infinies : savez-vous qu'il existe près de mille milliards d'odeurs différentes ? L'odorat et le goût, est-ce la même chose ? Pourquoi sent-on mieux la vanille que le basilic ? Y a-t-il des odeurs plus fortes que d'autres ? Peut-on réapprendre à sentir ? Et ça fait quoi de ne plus percevoir l'odeur de son partenaire ?
Françoise-Marie Santucci raconte son quotidien d'anosmique. Toujours passionnée par les parfums, les vins et les mets, elle décrit avec humour la perte de ses sensations olfactives et fournit une foule d'explications claires et captivantes sur le fonctionnement de notre nez.
Née dans l'euphorie de son prix Goncourt 1933 et sur un pari farfelu, pour reprendre un mot d'André Malraux, sa liaison avec Josette Clotis devient rapidement une passion - contrariée et d'autant plus flamboyante. La ravissante et jeune romancière, toute gauche qu'elle soit, est aussi une femme rebelle et tenace. Elle ne s'accommode pas de vivre à la marge du couple d'André et de Clara Malraux, laquelle la surnomme « la provinciale ». André et Josette vivent côte à côte plutôt qu'ensemble, voyagent, s'écrivent, s'aiment, ont deux enfants. La guerre ne désarme pas celle qui veut tout Malraux et tout de lui.
On ne savait à peu près rien de ce Malraux amoureux. Son enrôlement en 1940 comme soldat de deuxième classe dans une unité de chars à Provins en fait un épistolier malgré lui, attentif et protecteur, pudique et spirituel, toujours tendre envers Josette. Celle-ci, qui excelle dans l'écriture de soi, remplit depuis des années des cahiers secrets, jusqu'à sa mort tragique en 1944, les jambes broyées à la suite d'une chute d'un train. Elle y a consigné les soubresauts de leur relation, mais aussi ses désirs de femme affranchie, loin de la midinette capricieuse ayant capté Malraux à quoi on a trop souvent voulu la réduire.
Je pense à votre destin, fondé sur des archives inédites, fait le récit de cette passion qui n'a pas duré moins de douze ans. Il est suivi de trente-cinq lettres de Malraux largement inédites, de fragments issus des cahiers inédits et de projets de romans de Clotis où Malraux apparaît, ainsi qu'un cahier préparatoire de celui-ci, inédit lui aussi, aux Noyers de l'Altenburg, auquel il travaillait du temps de leur liaison. Tous contemporains, ces éléments racontent, chacun à sa façon, une histoire inouïe d'amour et de littérature.
Rappel : La Tentation de l'Occident d'André Malraux ainsi que les mémoires de Clara Malraux, en particulier Nos vingt ans, sont disponibles dans la collection Les Cahiers rouges.
Thomas Halliday a tout juste trente ans lorsqu'il décide de se lancer dans un projet extraordinaire : remonter le temps grâce à l'écriture. Paléontologue de formation et poète, il nous invite à explorer les origines de la Terre à travers un voyage fabuleux. Bien loin de Jurassic Park ou des dessins animés de notre enfance - les Diplodocus n'ont jamais croisé de Tyrannosaurus -, Les mondes d'hier est une plongée hyperréaliste dans ces époques que nous avons toujours rêvé de découvrir, une épopée où fourmillent de merveilleuses histoires et une nature foisonnante.
De l'immense steppe de l'Alaska glaciaire aux colonies de manchots géants des forêts tropicales de l'Antarctique pendant l'Éocène, une faune et une flore exceptionnelles se révèlent au fil des chapitres. Nous visitons le berceau de l'humanité, nous écoutons le fracas de la plus haute chute d'eau que la Terre ait jamais connue, et nous regardons la vie émerger à nouveau après l'impact d'un gigantesque astéroïde : ces mondes perdus paraissent imaginaires et pourtant chaque description - que ce soit la couleur de la coquille d'un « crabe fer à cheval », le rythme des ptérosaures en vol ou l'odeur persistante de soufre dans l'air -, chaque détail est minutieusement rapporté à la lumière des connaissances scientifiques les plus récentes.
Les mondes d'hier est une exploration inédite, un récit émouvant qui nous rappelle la ténacité de la vie sur Terre mais aussi la grande fragilité d'écosystèmes comme le nôtre. Le lire, c'est voir les 500 derniers millions d'années « non comme une étendue infinie de temps insondable, mais plutôt comme une série de mondes différents, à la fois fabuleux et familiers », un périple que seule la littérature pouvait nous conter.
Février 33, un livre d'histoire pas comme les autres, revient sur les événements qui se sont déroulés pendant le mois de février 1933 en Allemagne. Hitler a été nommé à la chancellerie le 30 janvier, et les jours qui suivent vont décider du destin de l'Allemagne et de l'Europe tout entière. Nous savons aujourd'hui de quelle manière ces quelques jours ont changé la face du monde, mais Uwe Wittstock a choisi de les évoquer en se plaçant à la hauteur des personnes qui les ont vécus dans l'ignorance de ce qui allait suivre. Jour après jour, dans une dramaturgie bien maîtrisée, l'auteur restitue l'ambiance de tout un pays, en racontant ces quelques semaines qui ont fait basculer la démocratie de Weimar dans le IIIème Reich.
Le prisme choisi est celui des écrivains, journalistes et intellectuels, et les protagonistes du livre de Wittstock s'appellent donc Thomas, Heinrich, Klaus et Erika Mann, Bertolt Brecht, Erich Maria Remarque, Alfred Doblin. Ou encore Carl Zuckmayer, Else Lasker-Schüler ou Gottfried Benn. Chacun des protagonistes est introduit avec concision, par un rappel de son rôle public et de sa situation personnelle. Et Wittstock nous raconte comment chacun d'entre eux, dès le 1er février, se demande s'il est sur une liste, en tant que juif, communiste, homosexuel ou intellectuel engagé. Car l'étau se resserre très vite, et ce même avant l'incendie du Reichstag pendant la nuit du 27 au 28 février qui sonnera le glas des dernières libertés individuelles : la SA intimide tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang, empêche les manifestations culturelles ou les premières dans les théâtres du pays autant que les réunions politiques. L'Académie des arts devient un autre enjeu symbolique, car il faut faire partir le « gauchiste » Heinrich Mann. Son frère Thomas est en tournée en Europe, pour sa conférence sur Wagner, et décide de ne pas rentrer. Klaus et Erika, empêtrés dans des histoires d'amour impossibles mais portés par le succès de leur cabaret satirique à Munich, veulent d'abord lutter de l'intérieur. D'autres, comme le poète Gottfried Benn croient que le nouveau régime leur apportera enfin la reconnaissance tant désirée. Mais tous seront pris dans la violence du nouveau régime. Les lois d'exception et le résultat des élections du 5 mars mettent un terme à cette période de transition que Wittstock raconte comme un roman à rebondissements.
Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni
Un livre sur le roman soviétique, maintenant ? Précisément maintenant : comme le disait Romain Rolland pendant la Grande Guerre, ce n'est pas parce que les Allemands l'ont voulue que nous allons renier Goethe.
Qui plus est, quantité des écrivains que Dominique Fernandez, un des plus grands connaisseurs de la littérature russe (Dictionnaire amoureux de la Russie, Plon, 2004, Avec Tolstoï, Grasset, 2010), nous présente ici, ont été d'opposition à Staline, ou ont tourné la censure par le roman historique ou le roman de science-fiction.
Avec la chute de l'URSS, tout un pan de la littérature occidentale a été injustement effacé. Dominique Fernandez fait revivre pour nous les oeuvres et la vie des grands de la période (entre la Révolution et Khrouchtchev), de Gorki à Pasternak, en passant par Ehrenbourg, Babel, Paoustovski, Aïtmatov ou Alexeï Tolstoï.
Il nous rappelle aussi l'admirable moment littéraire qu'a engendré l'après-Révolution. S'opposant à une idée trop facilement reçue, il exhume du mépris où ils ont été plongés de grands auteurs du « réalisme socialiste ». La dictature a, par contrecoup, fait naître une fiction satirique que nous découvrons ici, comme les savoureux Olecha, Zochtchenko ou Ilf et Pétrov. Loin de réduire la littérature au silence, la tyrannie expie ses fautes par un des plus grands livres par lequel Dominique Fernandez achève le sien, Vie et Destin de Vassili Grossman.
Un livre de justice, un livre de savoir, un livre, aussi, de saveur.
Qui était Emily Dickinson ? Plus d'un siècle après sa mort, on ne sait encore presque rien d'elle. Son histoire se lit en creux : née le 10 décembre 1830 dans le Massachusetts, morte le 15 mai 1886 dans la même maison, elle ne s'est jamais mariée, n'a pas eu d'enfants, a passé ses dernières années cloîtrée dans sa chambre. Elle y a écrit des centaines de poèmes - qu'elle a toujours refusé de publier. Elle est aujourd'hui considérée comme l'une des figures les plus importantes de la littérature mondiale.
À partir des lieux où elle vécut - Amherst, Boston, le Mount Holyoke Female Seminary, Homestead -, Dominique Fortier a imaginé sa vie, une existence essentiellement intérieure, peuplée de fantômes familiers, de livres, et des poèmes qu'elle traçait comme autant de voyages invisibles. D'âge en âge, elle la suit et tisse une réflexion d'une profonde justesse sur la liberté, le pouvoir de la création, les lieux que nous habitons et qui nous habitent en retour. Une traversée d'une grâce et d'une beauté éblouissantes.
Ce texte d'hommage à Bertrand Tavernier est une magnifique ode à l'amitié entre deux hommes de générations différentes qui se reconnaissent dès leur première rencontre à l'Institut Lumière (que Tavernier présida de sa création en 1982 à sa mort en 2021) puis se tiendront la main jusqu'au bout, le cadet ne cessant d'admirer l'aîné comme un père, puis un grand frère.
Réalisateur, scénariste, producteur, cinéphile passionné, écrivain, d'une curiosité insatiable, fou de jazz et de littérature, acharné d'Amérique tout en restant fidèle à ses racines lyonnaises, d'une liberté de goût et d'allure sans pareille, d'un engagement sans concessions, Tavernier est un ogre.
Il a fait ses débuts comme assistant de Jean-Pierre Melville. Attaché de presse à plein temps de Stanley Kubrick, il lui envoie ce télégramme de démission : « En tant que cinéaste vous êtes un génie, mais un crétin dans le travail ». Autant dire que sa forte personnalité ne le prédisposait pas aux petits accommodements...
Rien ne sert d'égrener ici la liste de ses très nombreux films, documentaires, livres, qui lui valurent couronnes et lauriers dans le monde entier.
Car ce qui fait le coeur de ce livre est autre chose : restituer la mécanique intime d'un être de passion, se placer au plus près de lui, dans les coulisses, comme on filmerait le hors-champ de sa vie et de son image publiques ; montrer la place qui lui revient dans le paysage du cinéma français et dans la redécouverte du cinéma mondial ; analyser à travers lui la source des querelles esthétiques qui continuent de déchirer les grandes traditions de la critique cinématographique en France.
Anecdotes, portraits, scènes vécues, voyages en commun aux Etats-Unis et ailleurs : cet exercice d'admiration, ce « tombeau », cette biographie intime mêlée d'autobiographie, finissent par dessiner une vaste fresque collective, tant la fascination pour un être particulier à ce point avide du monde rejoint ici l'universel.
Isabelle, grande bourgeoise confinée à Saint-Lu, appelle ses enfants pour se plaindre de Xav', son mari, entre deux chapitres de La recherche. Franck, caviste intègre et sans filtre, refuse de vendre un Saint-Emilion à un client qui voulait « impressionner beau-papa ». Mélanie, cagole du Midi, alpague des touristes parisiennes qui ont eu le malheur de s'installer sur son banc. Et qu'adviendra-t-il des amours d'Adélaïde et Livio, son épicier italien ?
Tous ces personnages sont écrits, pensés et joués par Lison Daniel sur sa page Instagram « Les caractères », qui connaît un immense succès lors du premier confinement. Chacun a son vocabulaire, sa diction et son histoire qu'on suit de sketch en sketch. On rit aux éclats devant ces archétypes, on s'attache à eux et, parfois, on s'y reconnaît. L'humour moqueur de Lison Daniel est plein d'une tendresse qui n'est pas sans rappeler Riad Sattouf et La vie secrète des jeunes.
Follement douée, elle fait vivre dans ce recueil ses douze protagonistes phares et frappe par la justesse sociologique de son regard. Tout semble plus vrai que nature. Plus qu'une satire, c'est un portrait vif et ludique de la France d'aujourd'hui qui se dessine en creux : une France fragmentée de la diversité régionale, culturelle et sociale. Un livre à mettre entre toutes les mains.
« Je ne voudrais pas qu'on prenne ce livre pour un simple essai d'esthétique. Cette jouissance m'est étrangère. L'art ne m'intéresse en effet que dans la mesure où il intensifie l'angoisse de l'époque. Ainsi seulement, il accomplit sa fonction qui est de révéler.
« Le présent ouvrage rassemble huit essais, qui s'échelonnent du début des années 1950 à la fin des années 1980. Les cinq premiers témoignent des questions qui étaient les miennes au moment où je quittai l'Europe, lecteur passionné de Saint-John Perse et de Malraux. Les autres articles suivent le fil de mes réflexions sur l'histoire du roman bientôt achevée, et qui n'allait faire qu'un pour moi avec celle du désir. L'hypothèse mimétique apparaît dans ma critique de Valéry, auquel je préfère très vite Stendhal. Déterminante dans ces années de formation, la question du pseudo-narcissisme oriente alors ma critique de l'illusion d'autonomie, que des articles plus tardifs sur Freud et Proust, puis sur Nietzsche et Wagner, continueront de creuser. Ces études figurent avant le texte d'une conférence sur Wagner donnée en 1983... »RG Ces brillants « exercices d'admiration traversés par la recherche de la vérité », tels que René Girard les qualifie, donnent à lire l'évolution des questionnements de l'écrivain-anthropologue, de la genèse de sa théorie mimétique aux plus récentes formulations de sa pensée apocalyptique, depuis toujours contenue dans sa conception du désir. Voici enfin l'édition définitive de cet ouvrage essentiel, paru initialement en 2008, augmenté d'une préface inédite de Benoît Chantre et Trevor Cribben Merrill.
C'est lui, c'est elle, on s'est trouvés, je t'aime, je t'aimerai toujours..., si chaque histoire d'amour est unique, toutes se vivent, s'écrivent ou se chantent avec les mêmes paroles. Aujourd'hui, j'ai rencontre l'homme de ma vie clame Diane Dufresne, Que je t'aime, crie Johnny, Juliette est le soleil s'émerveille le Roméo de Shakespeare quand nous disons souvent de l'autre aimé qu'il est une lumière dans nos vies. Nos relations peuvent varier, nos mots d'amour sont identiques car nos sentiments sont semblables. Pour la première fois dans un livre, Julie Neveux, linguiste et experte de l'expression de nos émotions, analyse et décrypte ce langage amoureux, du fameux coup de foudre où l'on tombe amoureux, aux redoutables il faut qu'on parle, j'étouffe.
En quatre grandes parties, retraçant les phases de l'amour, de l'amour fantasme (où le nom de l'autre cristallise nos désirs et le destin s'invite pour donner du poids à la rencontre), à l'amour fusion (quand les métaphores du soleil disent l'intensité, je t'aime le souhait d'être lié à jamais à ce toi singulier), l'amour possession, (temps de la domestication, des surnoms voués à s'approprier l'autre devenu familier) et l'amour figé (où le langage tourne à vide, les toujours d'éternité deviennent cris de lassitudes, le toi accusateur, et les partenaires des caricatures s'échangeant de sempiternelles répliques), Julie Neveux révèle combien nos mots d'amour construisent nos histoires. Et comment nous pouvons les comprendre en nous voyant les dire. Pour illustrer son propos, elle s'appuie à la fois sur les mots de l'amour les plus célèbres (ceux des artistes, de Louis Aragon à Annie Ernaux en passant par Barthes, Corneille, Barbara, Stromae, Fellini, Ingmar Bergman...) et ceux des personnages qu'elle invente, Juliette et Roméo, dont le récit de la romance scande les chapitres pour incarner la théorie.
Essai de linguistique, répertoire culturel amoureux et analyse de nos relations sentimentales, ce livre est un trésor de sens qu'on dévore comme un grand roman d'amour plein d'esprit et d'humour.
Ces {Lettres, }écrites entre 1873 et 1890, sont le témoignage déchirant d'un homme sur sa peinture. Van Gogh en sa genèse, Van Gogh en ses couleurs, travaillant sans relâche. L'homme à qui s'adresse un tel déchaînement de lucidité se prénomme Théodore, marchand de tableaux apôtre qui envoie à son grand frère tubes, brosses, toiles et argent -- quand c'est possible.
Au début de l'année dernière, janvier 2020, Paris-Match, associé à d'autres grands journaux étrangers, a commandé à Bernard-Henri Lévy une série de 8 reportages dans la tradition de Joseph Kessel, Graham Greene, Ernest Hemingway ou Romain Gary.
Ce livre rassemble ces reportages qui conduisent le lecteur dans le Nigeria de Boko-Haram, aux Kurdistan d'Irak et de Syrie, sur la ligne de front où s'affrontent Russes et Ukrainiens, dans la Somalie livrée à l'illégalisme et aux bandes islamistes, au coeur du Bangladesh martyr, dans les camps de la misère de Lesbos, dans l'Afghanistan en train de retomber sous la coupe des Talibans et, encore, en Libye.
Mais le livre s'ouvre sur un autre texte, de longueur équivalente, intitulé « Ce que je crois » et où il explique ce qui conduit un philosophe à aller, au bout du monde, témoigner pour des guerres oubliées ou ignorées ; ce qui, des rêves internationalistes de ses aînés, lui semble encore valable et digne d'être prolongé ; et comment le goût de l'aventure, dans la tradition - pêle-mêle - de Cendrars, Byron à Missolonghi ou, bien sûr, Malraux, l'anime depuis sa jeunesse.
Qu'est-ce que le genre humain ? Son unité est-elle menacée par la montée des souverainismes et des égoïsmes ? Qu'en est-il de l'idéal de fraternité ? Pourquoi aller si loin pour illustrer cet idéal quand il y a de la misère au coin de votre rue ? La guerre est-elle aimable ? Pourquoi Don Quichotte est-il ridicule ? Que dit Achille ? Hector ? Qu'est-ce que la grandeur ? L'héroïsme ? Et pourquoi prend-on, quand on est un écrivain nanti, le risque de mort ? Telles sont quelques-unes des autres questions que pose ce nouvel essai.
Auteur du très bel essai de critique littéraire Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard, qui enseigne dans une grande université américaine, se propose dans son nouvel ouvrage, La Violence et le Sacré, de remonter jusqu'aux origines de tout l'édifice culturel et social qui est au centre de notre civilisation.L'enquête s'appuie à la fois sur une relecture très personnelle des tragiques grecs et sur une discussion serrée des principaux systèmes, sociologiques, ethnologiques, psychanalytiques, qui ont tenté de donner une explication globale des premiers rites et des premières institutions culturelles et sociales. Freud en particulier est pris vivement à partie, ou plutôt ses successeurs, peu clairvoyants au sujet de certaines intuitions de Totem et tabou. René Girard, après avoir critiqué les insuffisances de la théorie du complexe d'oedipe, met l'accent sur le rôle de la violence fondatrice et sur celui de la victime émissaire , négligés jusqu'à présent par tous les chercheurs, et pourtant fondamentaux.S'inscrivant dans le courant de la révision, devenue nécessaire, du freudisme, tenant compte de Lévi-Strauss et du meilleur structuralisme souvent déformé par les épigones, appelé à soulever de multiples discussions, l'essai audacieux et percutant de René Girard ressortit aussi bien au domaine des sciences humaines qu'à celui de la littérature. Une vaste culture ethnologique, des références de premier ordre et toujours incontestables permettent à l'auteur de construire une théorie nouvelle du sacré, et de donner une interprétation convaincante de nombreux thèmes mythiques et rituels (la fête, les jumeaux, les frères ennemis, l'inceste, l'ambivalence du modèle, le double, le masque, etc.) dont la signification profonde n'apparaît ici avec tant d'évidence que parce qu'ils sont étudiés, pour la première fois, dans leur unité circulaire.Enfin, le plus grand mérite de René Girard est peut-être dans la clarté et dans l'élégance de son exposé. Libéré de toutes les obscurités tenant aux jargons initiatiques, voici un livre d'une grande importance scientifique qui est aussi une belle oeuvre littéraire.
Une vague de folie et d'intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des « éveillés », emporte tout sur son passage : universités, écoles et lycées, entreprises, médias et culture.
Au nom de la lutte contre les discriminations, elle enseigne des vérités pour le moins inédites. La « théorie du genre » professe que sexe et corps n'existent pas et que seule compte la conscience. La « théorie critique de la race » affirme que tous les Blancs sont racistes mais qu'aucun « racisé » ne l'est. L'« épistémologie du point de vue » soutient que tout savoir est « situé » et qu'il n'y a pas de science objective, même pas les sciences dures. Le but des wokes : « déconstruire » tout l'héritage culturel et scientifique d'un Occident accusé d'être « systémiquement » sexiste, raciste et colonialiste. Ces croyances sont redoutables pour nos sociétés dirigées par des élites issues des universités et vivant dans un monde virtuel.
L'enthousiasme qui anime les wokes évoque bien plus les « réveils » religieux protestants américains que la philosophie française des années 70. C'est la première fois dans l'histoire qu'une religion prend naissance dans les universités. Et bon nombre d'universitaires, séduits par l'absurdité de ces croyances, récusent raison et tolérance qui étaient au coeur de leur métier et des idéaux des Lumières. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du bien et de la « justice sociale ». Il faudra du courage pour dire non à ce monde orwellien qui nous est promis.
Comme dans La philosophie devenue folle, Braunstein s'appuie sur des textes, des thèses, des conférences, des essais, qu'il cite et explicite abondamment, afin de dénoncer cette religion nouvelle et destructrice pour la liberté.
Un essai choc et salutaire.