avec quarante ans de recul on s'aperçoit que les grands thèmes développés dans nations nègres et culture, non seulement n'ont pas vieilli, mais sont maintenant accueillis et discutés comme des vérités scientifiques, alors qu'à l'époque ces idées paraissaient si révolutionnaires que très peu d'intellectuels africains osaient y adhérer.
l'indépendance de l'afrique, la création d'un etat fédéral continental africain, l'origine africaine et négroïde de l'humanité et de la civilisation, l'origine nègre de la civilisation égypto-nubienne, l'identification des grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines, etc., tels sont quelques thèmes principaux explorés par cheikh anta diop, l'historien africain le plus considérable de ce temps.
Toutes les recherches scientifiques que cheikh anta diop a menées depuis quelques décennies sur les fondements historiques de la civilisation africaine culminent en cet ouvrage capital, affirmation de l'identité nègre, dont le titre marque avec force l'enjeu : civilisation ou barbarie.
" pour nous, écrit cheikh anta diop, le retour à l'egypte dans tous les domaines est la condition nécessaire pour réconcilier les civilisations africaines avec l'histoire, pour pouvoir bâtir un corps de sciences humaines modernes, pour rénover la culture africaine. loin d'être une délectation sur le passé, un regard vers l'egypte antique est la meilleure façon de concevoir et bâtir notre futur culturel.
L'egypte jouera, dans la culture africaine repensée et rénovée, le même rôle que les antiquités gréco-latines dans la culture occidentale. " cette oeuvre exemplaire s'articule autour de grands thèmes qui s'inscrivent dans le débat culturel contemporain : la démonstration de l'origine africaine de l'humanité, à la fois au stade de l'homo erectus et à celui de l'homo sapiens, fondée sur les données de la chronologie absolue, de l'anthropologie physique et de l'archéologie préhistorique ; la description des lois qui gouvernent l'évolution des sociétés dans leurs différentes phases (clans, tribus, nations) ; l'identification des différents types d'etats et celle du moteur de l'histoire dans les etats à " mode de production asiatique " ; l'étude des différentes révolutions de l'histoire, surtout de celles qui ont apparemment échoué et que la théorie classique n'a jamais prises en compte ; une définition de l'identité culturelle et une approche des relations interculturelles ; l'évaluation de l'apport scientifique du monde noir égyptien à la grèce en particulier ; les prémisses d'une nouvelle philosophie largement fondée sur les sciences et l'expérience scientifique et qui pourrait, peut-être, un jour, réconcilier l'homme avec lui-même.
J'ai voulu dégager la profonde unité culturelle restée vivace sous des apparences trompeuses d'hétérogénéité.
Seule une véritable connaissance du passé peut entretenir dans la conscience le sentiment d'une continuité historique, indispensable à la consolidation d'un etat multinational. (. ) il n'est pas indifférent pour un peuple de se livrer à une telle investigation, à une pareille reconnaissance de soi ; car, ce faisant, le peuple en question s'aperçoit de ce qui est solide et valable dans ses propres structures culturelles et sociales, dans sa pensée en général, il s'aperçoit aussi de ce qu'il y a de faible dans celles-ci et qui par conséquent n'a pas résisté au temps.
Il découvre l'ampleur réelle de ses emprunts, il peut maintenant se définir de façon positive à partir de critères indigènes non imaginés, mais réels. il a une nouvelle conscience de ses valeurs et peut définir maintenant sa mission culturelle, non passionnément, mais d'une façon objective, car il voit mieux les valeurs culturelles qu'il est le plus apte, compte tenu de son état d'évolution, à développer et à apporter aux autres peuples.
Ch. a. d.
Saint-domingue est le premier pays des temps modernes à avoir posé dans la réalité et à avoir proposé à la réflexion des hommes, et cela dans toute sa complexité ; sociale, économique, raciale, le grand problème que le xxe siècle s'essouffle à résoudre : le problème colonial.
Le premier pays oú s'est noué ce problème. le premier pays oú il s'est dénoué. quand pour la première fois, toussaint louverture fit irruption sur la scène historique, bien des mouvements étaient en train : le mouvement blanc vers l'autonomie et la liberté commerciale, le mouvement mulâtre vers l'égalité sociale ; le mouvement nègre vers la liberté. le pouvoir bourgeois issu de la révolution française éprouva que la liberté est indivisible, que l'on ne pouvait accorder la liberté politique ou économique aux planteurs blancs et maintenir les mulâtres sous la férule ; que l'on ne pouvait reconnaître l'égalité civile aux hommes de couleur libres et dans le même temps maintenir les nègres dans l'ergastule ; bref que pour libérer une des classes de la société coloniale, il fallait les libérer toutes, et que pour les libérer toutes, il fallait libérer saint-domingue elle-même, remettre en jeu l'existence même de la société coloniale : ce qui parut au pouvoir contraire aux intérêts de la france.
Quand toussaint louverture vint, ce fut pour prendre à la lettre la déclaration des droits de l'homme, ce fut pour montrer qu'il n'y a pas de race paria ; qu'il n'y a pas de pays marginal ; qu'il n'y a pas de peuple d'exception. on lui avait légué des bandes. il en avait fait une armée. on lui avait laissé une jacquerie. il en avait fait une révolution ; une population, il en avait fait un peuple. une colonie, il en avait fait un etat ; mieux, une nation.
La réédition de l'ouvrage qui a renouvelé l'analyse historique des sociétés coloniales, en se fondant sur un projet politique et culturel qui garde toute sa force pour le tiers monde aujourd'hui.
Etude de l'oeuvre cinématographique de l'écrivain et réalisateur sénégalais (1923-2007). Contient un texte d'Ousmane Sembene datant de 1964, un interview et une anthologie critique.
Dans l'espace des traditions peule et bambara qu'il connaît de l'intérieur même, amadou hampaté bâ se met à l'écoute de la personne, de la parole et de dieu.
Grâce à la sûreté de son savoir et à la simplicité sage de son approche, la lumière apportée sur ces notions essentielles ouvre l'accès aux fondements et au sens d'une civilisation.
Ce livre, une suite logique de De l'origine égyptienne des Peuls, focalise la problématique des relations entre l'Égypte ancienne et l'Afrique sur l'ensemble que constitue l'Afrique de l'Ouest et présente dans ce domaine des convergences capitales jusqu'ici inédites.
Se repose ainsi la question de l'unité culturelle négro-africaine : les multiples similitudes entre l'Égypte et l'Afrique Noire s'expliquent-elles uniquement par un berceau saharien commun, disloqué avant l'éclosion de la civilisation pharaonique, et des influences tardives et indirectes du pays des pharaons sur le reste du continent ? C'est ce schéma-là qui, malgré ses insuffisances manifestes, a la préférence de bon nombre de spécialistes de disciplines et d'appartenances diverses.
Pourtant les traditions orales négro-africaines ignorent le Sahara et désignent avec insistance la vallée du Nil comme région d'origine de bien des populations fixées de nos jours à l'extrémité occidentale de l'Afrique. Aujourd'hui, grâce à elles, il est établi dans ce livre que Korotoumou ba (le fleuve de Korotoumou) et la " Grande Eau " des traditions mandé, ainsi que Heli et Yooyo, le pays mythique des Peuls, renvoient incontestablement à la vallée du Nil.
Mais de manière encore plus éclatante, elles permettent de cerner avec précision les origines du premier grand État de l'Afrique de l'Ouest, Ghana : celles des Soninkés, corroborées par les données de l'égyptologie et de l'archéologie ouest-africaine, permettent maintenant d'affirmer avec certitude que ce ne sont pas les néolithiques de Dhar Tichitt qui en sont les fondateurs, comme certains l'ont soutenu jusqu'ici, mais les éléments de l'une des toutes premières vagues migratoires qui fuyaient l'invasion perse de la grande métropole négro-africaine.
Toute l'oeuvre de cheikh anta diop milite en faveur de l'unité de l'afrique noire ; de cette unité, gage d'indépendance vraie, l'auteur, partisan d'un état fédéral d'afrique noire, pose ici les fondements.
Dès qu'il est affirmé, le principe de l'unité transforme tous les problèmes auxquels l'afrique s'affronte. à l'inverse de ce que les compromissions de l'empirisme provoquent, par le geste unitaire une voie de développement est indiquée, claire, dynamique, convaincante. mais la volonté d'unité appartient au politique ; dans ce livre, cheikh anta diop, fort de son grand savoir des réalités africaines, démontre seulement le bien-fondé et la fécondité de son option.
Qu'il nous suffise d'énumérer dans l'ordre des différents niveaux éclairés par le principe et soumis à l'inventaire et à l'analyse objective. pour les hommes, il n'y a pas d'unité sans mémoire : il s'agit de restaurer la conscience historique africaine. ii n'y a pas d'identité nationale et fédérale sans un langage commun : l'unification linguistique est possible. pire que la balkanisation, la sud-américanisation guette l'afrique désunie : unité politique et fédéralisme.
Cheikh anta diop aborde le problème démographique et celui de l'émancipation de la femme africaine. un des plus stimulants chapitres, en rapport direct avec la crise actuelle de l'énergie et avec la sécheresse qui sévit en ce moment en afrique tropicale, concerne les sources d'énergie que le continent noir pourrait exploiter abondamment : hydraulique ou hydroélectrique, solaire, atomique, géothermique, etc.
L'industrialisation, la conquête et l'organisation du marché intérieur, les moyens de transport s'insèrent dans la même perspective, ainsi que la formation des hommes nécessaires à cette vaste entreprise : formation des cadres techniques, fonds d'investissements, recherche scientifique et réformes universitaires. ce texte-programme donne à penser sur les immenses ressources de l'afrique et sur sa puissance potentielle ; écrit il y a une trentaine d'années, il reste toujours aussi actuel par les solutions qu'il propose ; et aussi admirable par la foi dont il témoigne.
Mom Dioum, l'héroïne, vit dans un pays ubuesque inénarrable, où le Timonier a décidé qu'il fallait tuer tous les fous qui raisonnent et ceux qui ne raisonnent pas.
La Folie et la Mort raconte l'histoire d'une jeune fille partie subir un tatouage - cette épreuve d'endurance physique et morale - par expiation ou comme le dit l'héroïne " se tuer pour renaître ". Épreuve d'ailleurs inachevée. C'est alors que commence pour elle la véritable initiation à travers une longue errance, tantôt onirique, tantôt fantastique et le plus souvent réelle qui la conduira aux portes de la folie et de la mort.
Tous les héros - dont les histoires s'entrecroisent - sont tragiques, névrotiques. La Folie et la Mort est une allégorie : c'est l'agonie, plus précisément le destin d'un Continent en proie aux démons de la guerre civile, de la pauvreté, de l'endettement, avec son cortège de malheurs et d'abominations sur fond d'excommunications, de dictatures, de gesticulations idéologiques meurtrières et de grande misère, d'errance, de crise existentielle : l'Afrique.
La Folie et la Mort est un récit âpre, véhément, sur fond de violence d'amour, de haine.
Dès sa parution, "un Nègre à Paris" annonçait une ouverture de la conscience africaine sur le monde occidental que Bernard Dadié devait par la suite, enrichir dans "Patron de New York" et "La ville où nul ne meurt". Ouverture qui est aussi une confrontation animée en profondeur par une quête d'indentite. Bernard Dadié va à Paris ; il regarde et il juge, à la fois fasciné par cette ville transfigurée dans l'imagination du jeune homme nourri de culture française, et critique: mesurant la réalité parisienne au mythe qu'il s'en était fait, au savoir scolaire qu'il en avait. Cet home séduit, mais non dupe, erre dans la grande ville, c'est un homme soucieux surtout d'éprouver la consistance de son être-nègre face à ce monde blans familier et étranger. Affaire sérieuse: cette flânerie souriante reste, sur le mode tendre et ironique, une longue marche vers la reconnaissance.
La réédition revue de Un piège sans fin d'Olympe Bhely-Quenum dans la collection du livre de poche s'imposait.
Ce roman, en effet, est sans doute une des pièces maîtresses de la production de cet écrivain ; il s'agit, de toute façon, d'une oeuvre importante de la littérature negro-africaine. Ce roman, classique de forme, est celui d'une vie, celle d'un être beau, juste, innocent, musicalement accordé à lui-même et au monde, jusqu'au jour où une dissonance défait cette existence harmonieuse. Evénement dérisoire : le fantasme ci une femme, mais tel est le piège qui fait qu'a l'harmonie succèdent l'absurde et l'errance, le chaos et le crime, pour s'achever dans le supplice et la mort.
Symbole remarquable, c'est par le feu purificateur que périt cet innocent pathétique. Il a été salué en 1960 par un grand nombre de journaux dont l'Express, la Croix, la Réforme, Combat, les Lettres françaises, etc. Le quotidien belge le Soir écrivait : " Le romancier va bien au-delà du message des lieux grâce à sa formation intellectuelle et à la sûreté de son langage. L'écrivain prend pied dans le monde des âmes en nous narrant une aventure qui se charge progressivement d'une signification inattendue, et ce roman demeure une fenêtre ouverte sur la vie intérieure de l'homme, sur sa solitude aussi, a quelque climat qu'il appartienne.
".
La présente Anthologie articule deux ensembles de textes. Le premier est constitué de textes produits dans l'espace des Caraïbes et des Guyanes ; le second regroupe des textes produits à propos de ces mondes, dans le cadre du discours tenu par l'Occident sur l'Autre et l'Ailleurs. L'ouvrage vise d'abord à répondre à un désir d'ordonner une matière particulièrement complexe, les textes retenus pouvant être envisagés selon des critères très divers : période historique de leur production, espace géoculturel, langues, formes d'expression et de communication, problèmes de leur « littérarité », idéologie... En croisant constamment les regards, exogènes et endogènes, Martine Buffet et Laetitia Copin font apparaître l'histoire de ces deux grandes aires. Une histoire pleine de violence et dont la connaissance est indispensable pour comprendre toute la portée des réflexions les plus récentes sur des notions comme la créolité ou le Tout-Monde créé par Edouard Glissant. Parallèlement, le lecteur ne manquera pas de noter la multiplicité des textes, dans le temps comme dans l'espace, et des points de vue ou des voix qui les caractérisent. Il y a là un défi que Martine Buffet et Laetitia Copin se sont attachées à relever. En définitive, ce qu'elles nous montrent, c'est que la connaissance du « champ » n'a aucun sens si elle ne s'accompagne du désir de connaître le « contrechamp », et même le hors-champ.